Game of normes, les règles du jeu du bâtiment

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La construction durable est aujourd’hui codifiée avec une telle ampleur de textes réglementaires qu’ils constituent en quelque sorte son mode d’emploi.

Politique et économie
Décryptage
Durée de lecture : 7 min 7 min
09/10/2024

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Performance énergétique, empreinte environnementale, qualité des matériaux, ergonomie, confort… Le moindre aspect de la construction est désormais codifié par un maquis de normes de portées géographiques différentes. Quel est l’enjeu de cette normalisation sur l’échiquier des échanges internationaux ? Comment contribue-t-elle aux progrès de la construction et de la rénovation des bâtiments ? Éléments de réponse.

Une norme permet de définir et/ou de mesurer un ensemble de performances dans la conception et l’élaboration des produits et services. Et la normalisation a une raison d’être : inciter les acteurs d’une profession au respect des performances fixées. Dans un secteur comme celui de la construction, qui implique quantité d’acteurs, elle contribue à faire progresser, de manière équitable et cohérente, toute une profession en établissant des règles du jeu et un langage communs.

Un puissant levier d’influence dans les rapports internationaux

Qu’il s’agisse de réduction des gaz à effet de serre, d’utilisation des ressources épuisables ou de gestion des déchets, les normes aident chacun à atteindre, dans des délais souvent contraints, les objectifs fixés par la réglementation (cf. encadré). Elles résultent d’un consensus entre acteurs désireux d’harmoniser les règles du jeu dans un secteur d’activité donné. Si ces derniers représentent une minorité d’intervenants du secteur, ils sont très motivés pour agir en leaders dans la mise en œuvre des meilleures pratiques et démontrer qu’il est possible de faire mieux, différemment. Ils envoient par la même occasion un signal en direction des politiques, les incitant à relever le niveau des exigences réglementaires. Ce fut par exemple le cas, en France, avec le label Effinergie dans le domaine des performances thermiques, ou aux États-Unis avec les normes LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) pour la conception de bâtiments écoresponsables.

Interview de Peter Templeton, Président et Directeur U.S. Green Building Council

En traduisant des volontés politiques exprimées à différents échelons (mondial, régional, national…), les normes se révèlent un puissant levier d’influence dans les rapports de force internationaux. S’y conformer répond pour les entreprises à un réel enjeu de compétitivité.

Plusieurs hommes sur un chantier de construction
Les contrôles de qualité et de conformité sont désormais un poste à part entière sur les chantiers de construction comme de rénovation.

En traduisant des volontés politiques, les normes se révèlent un puissant outil d’influence dans les rapports de force internationaux.

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Au fil du temps, l’univers de la construction a connu une prolifération de normes, internationales (ISO), européennes (EN) ou nationales – voire infranationales. Aujourd’hui, elles sont plusieurs milliers à encadrer la profession. On compte plus de 1 500 normes internationales (I-Codes) élaborées par des organismes internationaux de normalisation avec l’appui de l’International Code Council. Un nombre qui ne cesse de croître, à mesure des progrès réalisés par le secteur du bâtiment dans les pratiques durables et respectueuses de l’environnement. Pour autant, ces normes doivent être pérennes et lisibles pour que les professionnels les perçoivent, non comme des contraintes, mais comme de réels leviers de développement.

Plus de 4000 normes AFNOR couvrent les différents domaines du bâtiment en France.

Au prix d’un tel foisonnement, un des grands mérites de la normalisation est d’inciter aujourd’hui à la prise en compte du cycle de vie d’un ouvrage et de ses différents impacts, de sa conception à sa fin de vie, en passant par sa construction, son exploitation et sa rénovation. Un autre apport est d’amener la profession à appréhender un projet, quel qu’il soit, dans sa complexité par une approche systémique. Celle-ci prend en compte différents aspects tels que l’interopérabilité entre les acteurs en charge de l’ingénierie du bâtiment et celle des systèmes d’information mis en œuvre, la modélisation du cycle de vie du bâtiment, celle de sa conception dans une approche collaborative…

les nouvelles normes du bâtiment pour une construction plus durable
Le Centre national des congrès Gharafat Al Rayyan (QNCC) à Doha, au Qatar, a été construit selon les normes de certification LEED de l’U.S. Green Building Council.

L’extension de l’aéroport international d’Oslo (Norvège) en 2017 est un exemple du rôle essentiel que jouent les normes d’interopérabilité dans un projet. En imposant l’utilisation de la maquette numérique à tous les intervenants du projet et en exigeant que les livrables soient remis au format IFC (Industry Foundation Classes), le maître d’ouvrage a permis d’éviter de perdre des milliers d’heures de travail de conversion manuelle de plus de 2 millions d’objets uniques tels que les portes, murs, gicleurs, luminaires, etc. Autre exemple : un programme de coopération universel tel qu’Open BIM s’appuie sur des normes et des processus de travail ouverts pour améliorer la conception, la construction et l’utilisation de bâtiments.

Un des mérites de la normalisation est de couvrir le cycle de vie complet d’un ouvrage et d’amener la profession à l’appréhender comme un système évoluant dans un environnement changeant.

Une rénovation normée ?

La normalisation se fait de plus en plus pointue en matière d’exigences relatives à des domaines tels que la décarbonation, la transition énergétique ou l’utilisation des matériaux. Sur un socle éprouvé de standards génériques ISO ou EN, s’est progressivement construit un édifice de normes spécifiques, souvent concurrentes car largement inspirées par les réglementations nationales. C’est le cas des normes britannique BREEAM (pour Building Research Establishment Environmental Assessment Method) et américaine LEED (pour Leadership in Energy and Environmental Design), l’une et l’autre axées sur l’impact environnemental de la construction, ou de la norme française HQE (pour Haute Qualité environnementale), plus orientée vers l’utilisateur et incluant le management du projet.
L’inflexion la plus notable en matière de normalisation est certainement liée à l’essor de la rénovation. 80 à 90 % des bâtiments qui seront sans doute encore en exploitation en 2050 sont déjà construits. Dès lors, la rénovation devient un enjeu majeur, pour économiser les matériaux comme pour sortir des personnes de la précarité énergétique. Dans ce contexte, on voit ainsi émerger un corpus réglementaire qui fixe, notamment pour la location, des exigences minimales en matière de rénovation, visant à lutter, par exemple, contre les passoires thermiques.

C’est le cas de la dernière directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, adoptée en avril 2024, et qui vise à réduire les factures énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre. Elle impose de réduire la consommation d’énergie primaire des bâtiments de 16% d’ici 2030 et de 20/22% d’ici 2035, notamment en instaurant l’arrêt progressif de l’usage de combustibles fossiles pour le chauffage des bâtiments et la restauration des bâtiments les moins performants. 

S’agissant du réemploi des matériaux, en revanche, le vide normatif reste un frein au niveau global, les normes actuelles ne concernant généralement que les produits neufs. Cet obstacle aux initiatives des acteurs de la profession – confrontés notamment aux questions de responsabilité en cas de problème de qualité – devrait bientôt être levé grâce à de nouveaux marquages CE, applicables aux matériaux de réemploi.

Construction écologique au passage Calwer dans la Theodor-Heuss-Strasse à Stuttgart - Avec environ 11 000 plantes sur la façade écologique et 40 arbres sur les terrasses, le passage Calwer apporte une contribution durable à l'amélioration du climat urbain à Stuttgart.
Les normes portant sur le bien-être et le confort intègrent aujourd’hui les critères de biodiversité, comme pour le bâtiment écologique du passage Calwer à Stuttgart.

Différents labels signalent les efforts des constructeurs en matière d’utilisation de matériaux biosourcés (Biosourcé), de bâtiments bas carbone (BBCA), à très faible consommation d’énergie (Passivhaus), voire à énergie positive (BEPOS+ BBC effinergie 2017), ainsi que ceux des exploitants en termes de qualité du cadre de vie, de confort, de santé et d’usage (Osmoz, WELL), ou de connectivité des bâtiments (R2S, WiredScore).

Quelles règles du jeu pour l’avenir ?

Face aux enjeux de la construction durable, on assiste aujourd’hui à l’actualisation ou à la création de nombreux règlements et normes. Autant de textes que la profession va devoir assimiler en cherchant à rentabiliser l’effort consenti pour cela, ce qui pourrait lui prendre une à deux décennies. Car, dans cette activité à cycle long, les acteurs ont besoin d’une certaine stabilité du cadre normatif pour investir, par exemple, dans la formation des compétences de demain.

Normalisation, réglementation, certification, labellisation...Les normes
Il en existe deux types :

  • réglementaires, issues de la réglementation liée notamment à la qualité environnementale, auxquelles il est obligatoire de se conformer ;
  • volontaires (les plus nombreuses), qui résultent d’un accord entre les professionnels d’un secteur pour définir des caractéristiques ou critères communs pour leurs produits/services.

Et deux catégories :

  • « verticales », qui portent sur un produit (un isolant, un vitrage…) ;
  • « horizontales », qui couvrent un domaine d’application (l’acoustique, la résistance au feu…).

Les règlements
Imposés par la loi, ils s’appliquent à tout type de constructions : appartements, maisons (individuelles ou groupées), programmes neufs, rénovations… Le champ de la réglementation est large, mais certains thèmes sont plus encadrés, notamment l'isolation thermique ou phonique/acoustique, la ventilation ou encore l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite.

Les certificats
Ils résultent d’une démarche volontaire par laquelle le professionnel s’engage à suivre un cahier des charges fixant les dispositions à prendre pour obtenir un résultat conforme, d’une qualité supérieure aux exigences réglementaires.

Les labels
Ils sanctionnent, dans un domaine spécifique (matériaux, performance énergétique, empreinte carbone…), l’atteinte de niveaux de performance supérieurs à la réglementation. On distingue :

  • les labels délivrés par des organismes certificateurs, qui peuvent être assimilés à une certification du fait de leurs modalités de contrôle ;
  • les labels respectant une charte, sans contrôle par un tiers.

Source : www.qualitel.org

Crédits photos: © Zacon Studio/AdobeStock, © scott-blake/unsplash, © B.O'Kane/Alamy, © Panther Media/Alamy

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