Quelles ont été les principales stratégies et initiatives mises en œuvre par Helsinki pour réduire de 60 % ses émissions de carbone ?
Helsinki mène des politiques climatiques depuis longtemps, mais je dirais que la période actuelle et la précédente ont été celles où notre ambition a été la plus élevée et aussi les années où nous avons obtenu le plus de résultats. En 2017, nous nous sommes fixés pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2035. Après avoir travaillé pendant quatre ans pour y parvenir, nous avons eu le courage, à la suite des élections locales de 2021, de resserrer l’échéance et d’être neutres en carbone d’ici à 2030.
Afin d’obtenir une réduction de 60 % de l’empreinte carbone par habitant, nous avons accompagné la compagnie d’énergie de la ville, Helen, pour qu’elle abandonne progressivement le charbon et investisse dans l’efficacité énergétique, les pompes à chaleur et les systèmes de stockage de la chaleur. Tous ces investissements ont permis à l’entreprise de fermer sa deuxième centrale à charbon l’année dernière. Celle qui reste sera fermée au printemps de l’année prochaine.
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Pouvez-vous nous faire part de quelques-uns des défis les plus importants auxquels vous avez été confrontés et la manière dont vous les avez relevés ?
Il y a eu en effet des défis à relever ! Le changement n’est jamais facile. L’une des décisions les plus exigeantes a déjà été prise en 2015, avec le choix de fermer la première centrale électrique au charbon. L’entreprise énergétique disposait d’un délai de neuf ans pour réaliser les investissements de remplacement nécessaires, mais à ce moment-là, personne ne connaissait la composition exacte de ces investissements. Et neuf ans, c’est long et le monde évolue rapidement. Il fallait donc fixer un objectif clair et, finalement la fermeture de la centrale à charbon a eu lieu un an et demi plus tôt que prévu.
Comment garantir que les nouveaux projets de construction durable répondent aux besoins des résidents en termes de prix et d’accessibilité ?
Une très bonne question ! Helsinki veut être une ville socialement juste, c’est pourquoi ces questions sont très importantes pour nous. Parfois, l’accessibilité doit être abordée sous un angle nouveau. La ville possède et construit des appartements à loyer réglementé qui dépendent du coût de construction et du coût de fonctionnement de l’immeuble. Nous avons fait progresser l’énergie géothermique qui augmente souvent le coût de l’investissement. D’un autre côté, le chauffage géothermique est moins cher que ses alternatives, ce qui réduit les coûts d’exploitation et profite aux locataires dans cette phase. S’adapter à ce type de changement demande une quantité de travail étonnamment importante. Heureusement, de nombreuses solutions à faible teneur en carbone ne sont plus aussi coûteuses et nous devons remercier le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne1, qui a réussi à faire payer les émetteurs pour leurs émissions de carbone.
Pouvez-vous citer des projets dont vous êtes particulièrement fière ?
Je suis très fière qu’Helsinki soit la première ville de Finlande à avoir fixé une valeur maximale contraignante2 pour les émissions de CO2 de l’ensemble du cycle de vie des bâtiments résidentiels. Nous l’avons fait il y a un an, et les premiers projets utilisant cette valeur cible sont maintenant en phase de planification. De cette manière, nous aurons un impact sur l’ensemble de l’industrie du bâtiment, y compris les matériaux de construction et le processus de construction, en Finlande.
Je suis également très fière du tram Kalasatama – Pasila, qui a permis de créer une nouvelle biodiversité, et le résultat est vraiment magnifique !
Quels conseils donneriez-vous à d’autres villes désireuses d’obtenir des résultats similaires en matière de réduction des émissions de carbone grâce à la construction durable ?
Je pense qu’il est vraiment essentiel d’être systématique, de ne pas se contenter de pilotes ou d’exemples uniques intéressants. Les projets pilotes servent à tester quelque chose qui deviendra ensuite une règle générale. En ce qui concerne les objectifs en matière d’empreinte carbone du cycle de vie, nous avons commencé par des concours, afin de voir ce que l’industrie peut produire de mieux, mais nous avons ensuite fixé des valeurs cibles qui s’appliquent à tout le monde.
Les projets pilotes servent à tester quelque chose qui deviendra ensuite une règle générale.
J’insisterais également sur la nécessité de fixer un objectif global ambitieux, puis de le diviser en sous-objectifs significatifs. Avec un objectif global clair, tous les acteurs, les entreprises, les citoyens, les autres branches du gouvernement savent où ils vont, ce qui permet de créer un environnement d’investissement favorable à la durabilité.
Mon dernier conseil concerne les délais : d’après mon expérience, un délai moyen est le meilleur pour l’action climatique. Un objectif fixé à 2050 n’incite personne à agir de manière rapide et efficace. Les meilleurs objectifs sont ceux qui ont une portée de 5 à 10 ans. Avec des objectifs à l’horizon 2035, on peut vraiment comprendre qu’il faut agir maintenant, et non plus tard.
Quelles sont les prochaines étapes pour Helsinki dans la poursuite de la promotion de la durabilité et de la lutte contre le changement climatique ?
Nous travaillons actuellement sur le système de circulation. Il y a beaucoup de tensions politiques et, en même temps, les émissions dues au trafic diminuent plus lentement qu’elles ne le devraient. Nous investissons dans de meilleures infrastructures pour les cyclistes et nous envisageons des zones à faibles émissions pour les voitures particulières.
- Lancé en 2005, le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne est un mécanisme de droits d’émissions de CO2 mis en œuvre au sein de l’Union européenne dans le cadre de la ratification par l’UE du protocole de Kyoto. Il met en place une limitation des gaz à émettre et un marché du carbone, permettant à chaque entreprise d’acheter ou de vendre des quotas d’émission. Ainsi, les entreprises qui font des efforts sont récompensées tandis que celles qui ont dépassé leurs plafonds d’émissions doivent acheter des quotas d’émission auprès d’entreprises environnementalement plus vertueuses et sont pénalisées.
- La valeur cible contraignante tient compte des émissions de CO2 des matériaux d’un bâtiment, du processus de construction et des émissions liées à son utilisation pendant 50 ans, et elle fixe une valeur maximale à ne pas dépasser pour l’ensemble de ces émissions.
Crédits photos: Pienempi Koko, Shutterstock
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