Décarboner pour une construction plus durable

Construction durable
Article
12 min
30/09/2024
Face à l'urgence climatique, l'industrie de la construction se trouve à un tournant décisif. Responsable d'une part importante des émissions de CO₂ à l'échelle mondiale, ce secteur est confronté à la nécessité impérative de réduire son empreinte carbone. La décarbonation des bâtiments représente non seulement une réponse aux enjeux environnementaux, mais aussi une opportunité économique majeure. En adoptant des matériaux durables, des technologies innovantes et en respectant des réglementations de plus en plus strictes, les acteurs de la construction peuvent transformer cette industrie pour en faire un pilier de la transition écologique.

Les méthodes de décarbonation

La décarbonation du secteur de la construction repose sur plusieurs méthodes qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie des bâtiments. Voici les principales méthodes :

Utiliser des matériaux à faible émission de carbone

  • Matériaux recyclés : Le réemploi de matériaux permet de diminuer la consommation d'énergie, d’éviter l’extraction de nouvelles ressources et de diminuer les déchets de chantier.
  • Matériaux à base de ressources naturelles et abondantes : Certains matériaux ont une faible empreinte environnementale grâce à l’utilisation de matières premières abondantes. C’est le cas par exemple de la laine de verre, cet isolant composé de sable et de verre recyclé, réduit l’exploitation des ressources naturelles. Sa fabrication, de plus en plus optimisée, consomme moins d’énergie, et certaines usines utilisent des fours électriques alimentés par des énergies renouvelables. La laine de verre a une longue durée de vie et améliore l'efficacité énergétique des bâtiments, ce qui réduit les besoins en chauffage et climatisation, limitant ainsi les émissions de gaz à effet de serre. Elle est également recyclable et son installation est simple, avec peu de déchets.
  • Béton bas carbone : Le béton traditionnel est l'un des matériaux les plus utilisés mais également les plus émetteurs de CO₂. Les alternatives incluent le béton à base de ciment décarboné ou la substitution partielle du ciment par des sous-produits industriels comme les cendres volantes ou les laitiers de haut fourneau.
  • Bois : Le bois est un matériau de construction renouvelable qui stocke le carbone pendant toute sa durée de vie. L’utilisation du bois dans la construction (en particulier dans les grandes structures) permet de réduire les émissions par rapport à d'autres matériaux comme l’acier ou le béton.

Concevoir des bâtiments légers et durables

La construction légère désigne une méthode constructive qui consiste à utiliser des matériaux et des techniques permettant de réduire le poids des structures, tout en maintenant leur solidité, durabilité et leurs performances. Cette approche est souvent employée pour réduire les émissions de CO₂ et augmenter l’efficacité énergétique, pour une rapidité d'exécution, ou encore une réduction des coûts et des déchets de chantier. Voici les principaux principes de la construction légère :

  • Matériaux légers : Utilisation de matériaux légers comme l'acier léger, le bois, les composites, ou certains types de béton allégé. Ces matériaux sont choisis pour leur rapport poids-résistance, permettant de créer des structures solides sans les alourdir inutilement.
  • Modularité et préfabrication : De nombreuses constructions légères intègrent des éléments préfabriqués en usine, qui sont ensuite assemblés sur le site. Cela permet une meilleure maîtrise des coûts, des délais et de la qualité. Afin d’allonger la durée de vie d’un bâtiment, celui-ci peut être conçu de façon modulaire ou réversible pour changer son utilisation en fonction des besoins. On évite ainsi les émissions de carbone liées à la déconstruction et la construction d’un bâtiment.
  • Efficacité énergétique : Les techniques de construction légère mettent souvent l'accent sur l'isolation thermique et l'efficacité énergétique, en intégrant par exemple des matériaux isolants dans les parois ou des techniques constructives favorisant l'étanchéité à l'air. Une meilleure isolation permet de minimiser l’utilisation de chauffage et de climatisation et limite ainsi les émissions de CO₂.
  • Adaptabilité : Les structures légères sont souvent plus flexibles et adaptables, facilitant les modifications ou extensions futures. Elles sont particulièrement adaptées aux projets où la mobilité et la modularité sont des critères importants (par exemple, les constructions temporaires ou démontables).
Photo de la tour Mjøstårnet en Norvège,l’un des bâtiments en bois les plus hauts du monde (85 mètres et 18 étages) À Brumunddal, en Norvège, la tour Mjøstårnet est l’un des bâtiments en bois les plus hauts du monde (85 mètres et 18 étages). Un modèle de construction légère, conçu par le cabinet Voll Arkitekter.

Optimiser l’efficacité énergétique des bâtiments

  • Conception bioclimatique : Concevoir les bâtiments en fonction du climat local permet de réduire les besoins en chauffage et climatisation, et donc de réduire les émissions de CO₂. L’orientation des bâtiments, l’utilisation de la lumière naturelle et la ventilation passive sont des principes bioclimatiques qui réduisent les besoins énergétiques.
  • Rénovation et réhabilitation : La rénovation des bâtiments existants pour les rendre plus efficaces sur le plan énergétique (isolation, systèmes CVC, etc.) permet de réduire leurs émissions de CO₂, mais aussi de limiter la construction neuve et ainsi de réduire les émissions liées aux nouveaux projets.
  • Isolation thermique performante : Améliorer l’isolation des murs, des toits et des fenêtres permet de réduire considérablement les besoins en énergie pour maintenir une température intérieure confortable.
  • Systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVC) à haute efficacité : L’installation de systèmes de chauffage et de climatisation plus efficaces, ou de technologies basées sur les énergies renouvelables permet de réduire l'énergie consommée.
  • Bâtiments à énergie positive (BEPOS) : Ces bâtiments produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment en utilisant des sources d’énergie renouvelables comme les panneaux solaires.
  • Électricité verte : Le recours à l’électricité issue de sources renouvelables pour l'alimentation des chantiers et des bâtiments en exploitation réduit l'empreinte carbone.
  • Chauffage et refroidissement décarboné : Utiliser des technologies comme les réseaux de chaleur renouvelable (géothermie, biomasse) ou le stockage d'énergie thermique permet de réduire les émissions liées au chauffage et à la climatisation.
  • BIM (Building Information Modeling) et innovations numériques : Le BIM permet de concevoir, de planifier et de simuler des projets de construction de manière numérique. Il aide à optimiser l’utilisation des matériaux, à prévoir la performance énergétique des bâtiments, et à réduire les erreurs pendant la construction, limitant ainsi les gaspillages et les retouches. Il existe de nombreuses innovations numériques utilisées au service de la décarbonation. Utiliser par exemple des logiciels de simulation énergétique dès la phase de conception permet de prévoir la consommation énergétique des bâtiments et de prendre des décisions pour améliorer leur performance environnementale.
Photo de panneaux solaires Coupler l’énergie solaire avec la climatisation augmente la performance énergétique des bâtiments.

Décarboner les chantiers de construction

  • Réduction des déchets : La planification et la gestion des matériaux en amont permettent de minimiser les déchets produits sur les chantiers, et donc de réduire les émissions de CO₂. L'utilisation de technologies comme l'impression 3D peut également limiter les pertes matérielles.
  • Recyclage et valorisation : La collecte, le tri et le recyclage des déchets de construction (béton, acier, bois) réduisent les besoins – et donc la fabrication – de matériaux neufs et limitent les impacts environnementaux associés à leur extraction.

Capter le carbone dans l’atmosphère

Il existe deux formes essentielles de captage du CO₂, l’une (CCS, pour Carbon Capture and Storage) provenant des émanations industrielles (70 % des CCUS) et l’autre où le dioxyde de carbone est prélevé dans l’atmosphère, loin des sites industriels (DAC, pour Direct Air Capture).

  • Le captage en précombustion consiste à décarboner le combustible avant sa combustion. Le traitement aboutit à produire de l’eau, du carbone et de l’hydrogène.
  • Avec le captage des fumées en post-combustion, celles-ci sont « lavées » pour extraire le CO₂ des émanations provenant du comburant (gaz naturel, pétrole, charbon, etc.). Les innovations dans ce domaine visent à minimiser la consommation énergétique.
  • Le captage en oxy-combustion utilise de l’oxygène pur dans la combustion, ce qui permet d’obtenir des fumées plus concentrées en CO₂ (de l’ordre de 90 %).
  • Le DAC (Direct Capture Air) capte directement le CO₂ dans l’atmosphère, mais loin des émanations industrielles, il est donc beaucoup plus dilué, donc plus cher à extraire.

En combinant ces différentes méthodes, le secteur de la construction peut réduire de manière significative son empreinte carbone tout en maintenant son activité économique et en contribuant à la lutte contre le changement climatique.

Certifier et normer la construction durable

Afin d’accélérer la transformation du secteur de la construction et le rendre plus durable, il existe à travers le monde de nombreuses certifications, réglementations et normesvisant à réduire l’empreinte carbone des bâtiments.

  • Certifications environnementales : Des labels comme LEED, HQE, BREEAM ou WELL encouragent les pratiques de construction durables. Les bâtiments certifiés respectent des critères de performance élevés, notamment en termes d'efficacité énergétique, de gestion des matériaux et de confort des usagers.
  • Réglementations et normes bas carbone : De nombreux pays introduisent des règlementations pour que les nouvelles constructions respectent des seuils d'émissions de carbone, notamment via des codes de construction plus stricts et des politiques publiques incitant à la décarbonation.

En combinant ces différentes méthodes, le secteur de la construction peut réduire de manière significative son empreinte carbone tout en maintenant son activité économique et en contribuant à la lutte contre le changement climatique.

Les avantages de la décarbonation

La décarbonation du secteur de la construction n'est pas seulement essentielle pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux, mais elle présente également des avantages économiques concrets, comme la réduction des coûts, l'amélioration de la compétitivité, et la création d'emplois. D’un point de vue environnemental, elle permet de diminuer les émissions de GES, de préserver les ressources naturelles, et d'améliorer la qualité de vie dans les zones urbaines.

Les avantages économiques

Il existe deux formes essentielles de captage du CO₂, l’une (CCS, pour Carbon Capture and Storage) provenant des émanations industrielles (70 % des CCUS) et l’autre où le dioxyde de carbone est prélevé dans l’atmosphère, loin des sites industriels (DAC, pour Direct Air Capture).

  • Réduction des coûts énergétiques : La décarbonation implique l’utilisation de matériaux à faible émission de carbone et des technologies plus efficaces sur le plan énergétique. Ces innovations permettent de réduire la consommation d’énergie dans la phase de construction ainsi que dans la durée de vie des bâtiments, diminuant ainsi les coûts d'exploitation liés au chauffage, à la climatisation et à l’éclairage.
  • Accès à de nouveaux marchés et opportunités de financement : Les entreprises qui adoptent des pratiques de construction à faible émission de carbone sont bien positionnées pour accéder à des financements verts, à des subventions publiques, ainsi qu’à des marchés de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux. La demande pour des bâtiments écologiques augmente, notamment dans les secteurs public et privé, ouvrant de nouvelles opportunités commerciales.
  • Amélioration de la résilience économique : En réduisant la dépendance aux énergies fossiles, les entreprises du secteur de la construction deviennent moins vulnérables aux fluctuations des prix de l’énergie. Cela leur permet de mieux gérer les risques économiques à long terme.
  • Augmentation de la valeur des biens immobiliers : Les bâtiments écologiques, dotés de certifications environnementales (comme LEED ou HQE), sont généralement plus attractifs sur le marché immobilier. Ils bénéficient d'une valeur plus élevée, ce qui se traduit par des loyers plus élevés et des taux d’occupation supérieurs.
  • Création d'emplois dans les technologies vertes : La transition vers des méthodes de construction plus durables crée des emplois dans des secteurs comme la rénovation énergétique, les énergies renouvelables et la production de matériaux innovants à faible impact environnemental.

Les avantages environnementaux de la décarbonation :

  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) : Le secteur de la construction est responsable d'environ 40 % des émissions mondiales de GES (via la construction et l'exploitation des bâtiments). La décarbonation vise à réduire ces émissions en adoptant des matériaux de construction plus durables, ainsi que des procédés de productions plus propres, tout en garantissant une forte performance.
  • Préservation des ressources naturelles : La décarbonation favorise l'utilisation de matériaux recyclés ou renouvelables, réduisant ainsi la dépendance à l'extraction de ressources non renouvelables et la dégradation des écosystèmes.
  • Réduction de la pollution atmosphérique et de la qualité de l’air : Les constructions basées sur des énergies fossiles (comme les chantiers utilisant des équipements à carburant) émettent des polluants nocifs. En passant à des énergies renouvelables et des équipements moins polluants, la qualité de l’air autour des chantiers et des zones urbaines s'améliore, ce qui a des impacts positifs sur la santé publique. La décarbonation devient ainsi un véritable sujet de santé et bien-être.
  • Résilience face aux changements climatiques : En intégrant des pratiques de construction durables, les villes et les bâtiments deviennent plus résilients face aux impacts du changement climatique (tempêtes, inondations, canicules), tout en diminuant la demande en énergie pour le chauffage et la climatisation.

  • Z... comme Zéro Carbone 05:39
  • C... comme Carbone Incorporé 04:33
  • C... Comme Clinkerisation 05:43

Il est donc crucial que les acteurs de l'industrie de la construction continuent d'innover et d'adopter des pratiques toujours plus durables pour transformer le secteur et contribuer à la réduction des émissions de CO₂. Architectes, urbanistes, décideurs politiques et urbanistes doivent collaborer pour promouvoir des réglementations favorisant la décarbonation des bâtiments et infrastructures.

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