Comment votre agence, à travers son savoir-faire en construction durable, apporte-t-elle un supplément de pérennité aux projets ?
Loïk Eyers : Parce que nous sommes concepteurs de futurs environnements de vie, nous portons une énorme responsabilité : celle de les imaginer et les créer de la manière la plus durable possible. Chaque projet est spécifique, et nécessite une approche différente de l’un à l’autre, ou d’un site à l’autre. Le point de départ est l’utilisateur final. Son confort est à la base du processus de prise de décision et est étroitement lié au bien-être de nos communautés, notre environnement et notre planète. L’objectif est de lui fournir le meilleur cadre de travail / de vie / de détente possible, tout en respectant le tissu urbain et en minimisant les dommages à l’environnement.
De quels projets êtes-vous le plus fier ?
L. E. : Du point de vue de la construction durable, je citerai ZIN2, bien sûr, car c’est l’un des plus récents. ZIN porte sur la rénovation et la transformation des tours 1 et 2 du World Trade Center, un complexe de bureaux inauguré en 1972 dans le quartier Nord de Bruxelles. Mais, je citerai également le Nike ELC (European Logistics Center), construit en 2016 près du canal Albert, entre Bruxelles et Anvers, ou encore l’immeuble BNP Paribas Fortis, inauguré en 2022 rue Montagne-du-Parc, à Bruxelles. Ces deux derniers bâtiments se distinguent, dans leur équilibre énergétique, par une gestion de l’eau innovante. L’eau est en effet un médium intéressant de stockage inter-saisonnier de l’énergie thermique (Seasonal Thermal Energy Storage – STES).
Dans quel esprit aborde-t-on un chantier durable ?
L. E. : Les chances sont minces pour qu’un bâtiment conçu aujourd’hui existe pour l’éternité. Et pourtant, nous gardons cet objectif à l’esprit tout au long du processus de création et de réalisation. C’est pourquoi nous visons la meilleure qualité possible à tous les niveaux : design, adaptabilité, flexibilité fonctionnelle, choix des matériaux. Notre architecture de haute qualité est destinée à durer toute une vie et plus longtemps encore, et c’est là que réside le cœur de notre durabilité. Parce que le projet le plus durable est celui qui ne se construit pas. Nous ne démolissons pas, sauf si c’est absolument nécessaire.
Dans le cadre du projet ZIN, vous insistez sur la circularité. Quels sont les avantages et les défis de cette pratique ?
L. E. : ZIN a été l’un des premiers projets à se concentrer aussi profondément sur l’approche circulaire et la réutilisation optimale de matériaux existants, alors qu’il était difficile d’anticiper la flexibilité, la reconversion du bâtiment. Nous avons ainsi envisagé, dès la conception du projet, de travailler autant que possible avec des matériaux certifiés C2C3 pour toutes les ressources utilisées dans le développement futur. J’ai en tête l’énorme défi que cela a représenté, car, à l’époque, très peu de ces produits et matériaux de construction existaient sur le marché. C’est seulement lors de la préparation de la construction que l’équipe du projet ZIN, en collaboration avec l’entrepreneur, a pu pousser les fabricants et les fournisseurs à les produire et à les fournir de manière plus durable.
La circularité crée-t-elle davantage de contraintes ?
L. E. : Le coût supplémentaire n’est pas négligeable, même si d’aucuns diront qu’il n’y en a pas. Mais certaines de ces stratégies, comme le recyclage et la modularité, entraînent bien un coût supplémentaire. Imaginez, rien qu’un instant, devoir stocker temporairement les matériaux sur place, en attendant leur future affectation dans le projet.
Sur quels critères sélectionnez-vous les nouveaux matériaux que vous utilisez ? Durabilité ? Performance ? Coût ?
L. E. : Outre les paramètres que je viens d’évoquer, je pense que l’esthétique du produit a également un impact non négligeable.
Pour ce projet ZIN, vous parlez aussi de durabilité et notamment de transition énergétique. Comment l’intégrez-vous dans vos projets ?
L. E. : Afin de contourner le manque de fiabilité lié aux ressources en gaz et en pétrole, nous essayons autant que possible de rendre nos nouveaux projets autosuffisants. ZIN est un bon exemple. Nous avons pu convaincre le client Befimmo d’investir dans l’intégration d’un système de chauffage géothermique, installé sous une dalle de fondation en béton existante. Autre belle caractéristique du ZIN, la transmission et l’échange d’énergie entre les divers utilisateurs du bâtiment. Bureaux et appartements ont besoin de refroidissement et de chauffage à des moments distincts de la journée. Grâce à la mutualisation des installations techniques, les futurs utilisateurs pourront bénéficier de l’apport énergétique dont chacun aura besoin.
[1] Le cabinet d’architecture international Jaspers-Eyers Architects est implanté dans trois sites, à Bruxelles, Louvain et Hasselt. Il est principalement actif en Belgique, au Luxembourg, en Espagne, en Europe de l'Est et en Chine. [2] Projet à usage mixte comprenant des bureaux ainsi qu’un hôtel et des appartements. [3] La certification Cradle to Cradle® (C2C) est une norme d’éco-conception produite par le Cradle to Cradle Products Innovation Institute qui vise à encourager les entreprises à concevoir des produits durables qui peuvent être réutilisés ou recyclés sans compromettre la santé humaine ou l’environnement.
Crédits photos: © Jonas Vandecasteele, © Jean-Michel Byl, © Jonas Vandecasteele, © FilipVanRoe&Jaspers-Eyers © Philippe Van Gelooven © Steven Massart