La démocratisation des intelligences artificielles génératives marque un tournant décisif dans notre rapport aux outils numériques. L’interaction avec ces technologies s’est considérablement simplifiée, permettant aux professionnels d’exploiter leur potentiel via des interfaces intuitives, tout en s’appuyant sur leur expertise métier. Cette évolution, qui va bien au-delà d’une simple facilité d’usage, transforme profondément les pratiques professionnelles dans la construction. La synergie entre l’intelligence artificielle et le savoir-faire humain ouvre désormais de nouvelles perspectives pour optimiser chaque phase des projets, de leur conception jusqu’à leur exploitation, avec un objectif commun : créer des bâtiments plus durables et performants.
L’IA redéfinit la conception architecturale
L’émergence des intelligences artificielles bouleverse la phase de conception, traditionnellement chronophage et itérative. Les architectes disposent désormais d’assistants numériques capables d’explorer en quelques minutes des centaines de variations possibles pour un même projet, en tenant compte de multiples paramètres : performance énergétique, impact environnemental, coûts, confort des occupants.
La plateforme Hypar illustre parfaitement cette révolution silencieuse. En exploitant la puissance des grands modèles de langage (LLM), elle automatise la génération de plans optimisés. Aux utilisateurs de saisir leurs exigences et contraintes relatives à des critères variés, comme l’efficacité énergétique ou l’impact environnemental. Puis l’outil génère des plans de bâtiments optimisés en quelques minutes seulement. À la clé de cette automatisation de ces aspects techniques souvent chronophages : une amélioration significative de la productivité. Un temps gagné précieux que les équipes de conception peuvent mettre à profit pour se consacrer davantage aux dimensions créatives et stratégiques de leurs projets.
Dans cette même logique d’optimisation, Autodesk Fusion ouvre un peu plus le champ des possibles grâce aux algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning). Le logiciel analyse les contraintes du projet — exposition solaire, évents dominants, topographie — pour suggérer des ajustements fins de la conception et l’orientation du bâtiment. L’objectif : maximiser naturellement le confort thermique tout en minimisant les besoins énergétiques.
Production : l’intelligence artificielle au service de l’efficacité
L’IA révolutionne aussi les lignes de production, notamment à travers l’émergence de systèmes robotiques pilotés par l’IA. Vestack en offre une illustration remarquable avec son procédé de fabrication hors site innovant. L’entreprise déploie des robots intelligents dont les actions ne sont plus préprogrammées, mais déterminées en temps réel par des algorithmes issus de l’IA. Ces machines analysent chaque élément à assembler et définissent alors automatiquement leur propre séquence de mouvements, afin de réaliser avec précision et le plus rapidement possible des tâches telles que le clouage à haute cadence. Une évolution qui, loin de remplacer l’humain, redéfinit les métiers du secteur, avec l’apparition de nouveaux profils comme les conducteurs de robots.
L’innovation se manifeste également dans la formulation des matériaux, comme le démontre Concrete Copilot. Grâce à l’IA générative, cet outil conçoit en quelques instants des millions de formules de mélanges possibles. Les producteurs ont ainsi la possibilité d’identifier pour une application donnée, la recette de béton la plus adaptée. Un processus de conception qui prenait autrefois plusieurs semaines s’effectue désormais en une poignée de minutes, tout en garantissant le respect des normes d’ingénierie, de sécurité et de performance. Les résultats ? Au-delà d’une productivité décuplée et de la réduction des coûts, cette approche permet de réduire l’empreinte carbone du béton de 30 %.
Grâce à l’IA générative, l’empreinte carbone du béton peut être réduite de 30 %. Source : Concrete Copilot
Cette transformation numérique accompagne aussi le secteur de la fabrication des plaques de plâtre. Imaginez des algorithmes capables de définir le placement des panneaux avec une précision inédite pour diminuer coupes et déchets. Cette optimisation ouvre même la voie à une prédécoupe en usine directement basée sur les maquettes numériques des projets permettant d’envisager la livraison sur les chantiers d’éléments prêts à poser, façon « kit de montage ». Les bénéfices : un gain de temps considérable lors de l’installation, moins de déchets et d’énergie consommée pendant la phase de construction. Les chutes de découpes pourraient aussi être immédiatement réintégrées dans le cycle de production, incarnant parfaitement les principes de l’économie circulaire.
Bâtiments intelligents : l’IA pour faire vivre les structures
Et si les bâtiments s’adaptaient aux agendas de ses occupants ? On n’y est pas encore, mais les édifices sont déjà en mesure, grâce à l’IA, d’analyser leur rythme de vie. En croisant, par exemple des données liées au nombre de connexions wifi, à certains moments de la journée ou de la semaine, ils « en déduiront » que les équipes sont au complet le mardi, que le télétravail vide les espaces le vendredi, et que certains étages s’animent plus que d’autres selon les heures. Des infos précieuses qui permettraient à ces bâtiments, nouvelle génération, d’ajuster en direct ventilation, chauffage et climatisation.
Cette révolution est déjà en marche avec des solutions comme Honeywell Forge. La plateforme déploie des algorithmes d’apprentissage automatique pour piloter les équipements techniques du bâtiment. Les systèmes CVC (Chauffage, Ventilation, Climatisation) s’adaptent en continu, conjuguant deux objectifs autrefois difficiles conciliables : réduire l’empreinte énergétique tout en améliorant le confort des utilisateurs.
L’innovation franchit un cap supplémentaire avec ARIA, l’assistant virtuel développé par BrainBox AI. Ce concierge numérique révolutionne la gestion quotidienne des bâtiments en combinant analyse prédictive et automatisation intelligente. De la détection précoce des anomalies à l’optimisation énergétique, en passant par le dialogue direct avec les occupants via des interfaces vocales ou textuelles, ARIA incarne la génération à venir de gestionnaires techniques virtuels.
Cette intelligence embarquée laisse même entrevoir de nouvelles perspectives pour la fin de vie des bâtiments. Les algorithmes peuvent désormais planifier des opérations de déconstruction optimisées, en identifiant les matériaux valorisables et en orchestrant leur réemploi dans de futurs projets. Une approche qui transforme radicalement la démolition traditionnelle en un processus de démontage méthodique, et maximise les opportunités de réutilisation dans une logique d’économie circulaire.
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Les intelligences artificielles émergent comme des outils puissants dans la transformation du secteur de la construction, ouvrant la voie vers des édifices plus performants, plus durables et plus confortables. Cette évolution marque l’avènement d’une architecture augmentée, où l’IA en synergie avec l’expertise humaine agit comme un catalyseur pour concrétiser les ambitions de la construction durable.
Crédits photos: Vestack