La construction bois se décarbone

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Les structures de constructions en bois lamellé-croisé (CLT) sont idéales pour les tours de Moholt, des résidences étudiantes de 28 m de haut. © Tiina Nykänen / Open Image Bank /Product world

Décarbonation
Point de vue
Durée de lecture : 5 min 5 min
20/05/2023

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La construction durable est-elle forcément synonyme de construction en bois ? Le bois est certainement un des matériaux à privilégier… Parmi d’autres matériaux. Pourquoi faut-il intensifier son utilisation ? Quelles sont ses limites ? Quelles sont les dernières innovations en la matière ? Nous faisons le point avec Lars Völkel, vice-président exécutif de la division Wood Products de Stora Enso.
Lars Völkel

Le bois est souvent présenté comme la solution idéale pour la construction durable, mais l’objectif à long-terme est-il de construire majoritairement en bois ? Est-ce réalisable ?

Lars Völkel : Aujourd’hui, nous sommes capables de construire des bâtiments plus hauts, plus solides et plus légers que jamais, en utilisant un matériau entièrement renouvelable, réutilisable et recyclable. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a récemment rappelé que le bois ne représente que 3 % des matériaux de construction utilisés en Europe. Nous sommes donc très, très loin d’une utilisation exclusive du bois dans ce domaine. D’ailleurs, nous n’envisageons pas le bois comme une solution unique, mais plutôt comme un matériau à utiliser en complément de solution hybrides reposant sur l’acier et le béton. Néanmoins, nous sommes en train de travailler sur diverses solutions qui permettraient de dépasser sensiblement la barre des 3 % pour les matériaux de construction à base de bois.
Il y a un équilibre à trouver, car nous ne pouvons surexploiter les ressources de notre planète, mais nous devons aussi veiller à ce que la population mondiale, qui comptera bientôt 10 milliards de personnes, puisse encore vivre confortablement, travailler et prospérer – et c’est à cela que Stora Enso veut contribuer activement.

Quelles sont ces solutions ?

L. V. : Tout d’abord, nous devons changer notre manière de construire, avec des solutions qui ne soient pas trop coûteuses pour la planète. Aujourd’hui, moins de 1 % des constructions sont neutres en carbone. Face à cette situation, on assiste à une accélération de la demande en bâtiments à faibles émissions. L’industrie de la construction bois occupe une position unique pour mener à bien cette transition.
Deuxièmement, nous devons réorienter le bois vers des produits plus durables, plutôt que de l’utiliser, comme nous le faisons aujourd’hui, pour fabriquer du papier ou des granulés à partir de bûches entières. Chez Stora Enso, nous avons déjà décidé de céder notre activité de production de papier et nous n’utilisons que les résidus de bois de notre propre production pour fabriquer nos granulés. Et nous ne sommes pas les seuls. De nombreux autres industriels sont en train de réorienter la production de bois vers des produits à longue durée de vie, notamment vers la construction de bâtiments qui peuvent stocker le carbone pendant 50 à 100 ans, voire plus. En outre, nous devons veiller à replanter plus d’arbres que nous n’en abattons, ce que nous faisons chez Stora Enso.

Ne faudrait-il pas commencer par utiliser moins de bois pour construire un bâtiment ?

L. V. : Vous avez tout à fait raison. Optimiser l’utilisation du bois est essentiel. Il est important d’utiliser moins de mètres cubes de bois pour une surface de bâtiment plus importante, sans compromettre pour autant la sécurité, la qualité et le confort de l’habitat. Par exemple, nous pouvons affiner le plancher en utilisant ce que nous appelons des caissons nervurés. Plutôt que d’avoir un plancher de 25 cm d’épaisseur, un plancher de 10 cm suffirait, avec des nervures en lamellé-collé en dessous. Ceci permettrait d’avoir une structure statique et solide tout en réduisant la quantité de bois utilisé. Pour des bâtiments hauts et larges, avec une pression statique plus importante sur la structure, les murs, les toits et les planchers en bois doivent être suffisamment solides pour soutenir le poids de la construction. Pour ce genre de construction, nous utilisons des éléments en bois massif de notre kit SylvaTM, tels que le bois lamellé-croisé (CLT), le Lamibois (LVL) et le bois lamellé-collé (GLT).

Mais les panneaux collés, est-ce vraiment plus durable qu’un seul bloc de bois massif ?

L. V. : Dans le cas du CLT, l’utilisation d’une colle très résistante permet d’assembler des panneaux simple couche de manière croisée, ce qui permet d’obtenir des performances mécaniques supérieures à celles du bois massif. Par ailleurs, on ne peut façonner un monobloc de bois avec autant de précision et dans des dimensions aussi grandes que pour le CLT, pour lequel nous proposons des panneaux mesurant jusqu’à 16 m x 2,95 m, ce qui réduit la charge de travail liée à la construction sur le chantier.
Le LVL est un produit bois de pointe composé de feuilles de bois d’épicéa de 3 mm d’épaisseur collées ensemble. Ce matériau est conçu pour être plus résistant que l’acier, mais plus léger que le béton, tout en étant très facile à travailler et durable.
Enfin, nos éléments en bois massif se prêtent mieux à l’application de revêtements qui les protègent contre l’humidité, la lumière du soleil, le feu, mais aussi, plus particulièrement en France, contre les insectes.

Il faut donc également rendre les colles plus durables…

L. V. : Tout à fait. Pour le bois lamellé-croisé par exemple, la colle représente 1 % du poids total du matériau. Mais elle représente aussi un peu plus d’un tiers des émissions totales de gaz à effet de serre. Nous essayons donc d’agir sur deux points. Tout d’abord, nous utilisons aujourd’hui une colle sans formaldéhyde Ensuite, nous essayons d’utiliser le moins de colle possible. Par exemple, dans notre usine de Lamibois en Finlande, nous avons réduit la teneur en colle de 20 %. Enfin, Stora Enso dispose déjà aujourd’hui de liants biosourcés dans sa gamme de produits, notamment NeoLigno®, qui est utilisé dans les panneaux d’aggloméré et les matériaux d’isolation. Afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre des colles elles-mêmes, nous essayons d’appliquer ce liant aux éléments en bois massif que nous venons d’évoquer.

Le bois est un matériau durable, à condition que son traitement le soit également. Où en est-on des procédés industriels dans la construction bois ?

L. V. : Notre priorité est de devenir plus économes en énergie. Concrètement, nous avons réduit la quantité d’énergie nécessaire pour produire un mètre cube de bois de construction. Ensuite, pour émettre moins de CO₂, nous devons limiter notre utilisation d’énergies fossiles, notamment le gaz. Nous nous tournons donc de plus en plus vers l’électrique, les panneaux solaires et l’achat d’énergie renouvelable pour notre propre consommation. Ces transformations nous ont d’ores et déjà permis de réduire de 40 % nos émissions de CO₂ par rapport à 2019, tout en produisant plus de bois de construction.

Parlons maintenant de la fin de vie des bâtiments en bois. En quoi ces constructions sont-elles plus durables ?

L. V. : Pour l’instant, nous n’avons pas eu à nous soucier de la fin de vie des bâtiments en bois. Vous savez, certains temples japonais ont plus de 1 400 ans ! Je suis donc certain que ce que nous construisons aujourd’hui durera longtemps. Mais les bâtiments obéissant à un principe de circularité deviennent de plus en plus pertinents, notamment en raison des pénuries de bois. Nous y travaillons et nous progressons bien avec des solutions techniques intéressantes, mais il n’est pas simple de les mettre rapidement sur le marché, en raison des problèmes liés à la certification, car il nous faut répondre aux exigences réglementaires. Le bois massif, le lamellé-collé, et le Lamibois sont tous certifiés, mais une fois combinés, ou si l’on utilise des matériaux recyclés, il faut obtenir de nouveaux certificats. Donc tout cela va prendre du temps.

Concrètement, aujourd’hui comment pouvez-vous aider vos clients à intensifier la construction bois ?

L. V. : Pour nous, il s’agit avant tout de faciliter la construction en bois. Pourquoi n’arrive-t-on pas à franchir ce seuil des 3 % ? Cela est dû en grande partie au manque d’expérience et de connaissances des ingénieurs, des architectes et des professionnels de la construction en général. C’est pourquoi nous avons décidé de valoriser nos quelque 20 000 réalisations en bois massif et de publier nos meilleures pratiques de construction sur notre site web afin de réduire la charge de travail et les coûts de conception et d’ingénierie. En outre, Stora Enso a lancé SylvaTM, un kit d’éléments préfabriqués pour les murs, les planchers, les toitures, les escaliers, les poutres et les colonnes, livrés en temps utile sur le chantier. Combiné à des services experts d’aide à la conception et de coordination de la pose, SylvaTM simplifie la construction en bois. C’est ce vers quoi l’industrie se tourne aujourd’hui, dans un contexte où la main-d’œuvre se fait rare, où la coordination entre les corps de métier est complexe et où la demande en constructions durables connaît une forte croissance.

Avez-vous également une offre dans le domaine de la rénovation ?

L. V. : Oui, nous observons une demande croissante tant pour la rénovation que pour l’extension en hauteur des bâtiments existants, notamment dans les villes. Le CLT est cinq fois plus léger que le béton, ce qui permet, dans de nombreux cas, d’ajouter des étages à un bâtiment existant sans avoir à renforcer ses fondations. Nous disposons d’un très grand nombre de projets de référence dans des villes comme Londres ou Paris. L’autre point positif est que les constructions en éléments préfabriqués sont jusqu’à 70 % plus rapides et nécessitent jusqu’à 80 % de moins de livraisons par camion. Le chantier de construction génère aussi moins de pollution et de nuisances sonores. La rénovation en bois représente donc une opportunité très importante en matière de construction durable.

Crédits photos: © Moholt_CLT_0034_13.jpg, © Stora Enso_Lars Völkel, © Keksi_KL_Stora_Enso_Salmisaari_2022-1581.jpg

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