David Glew et son équipe mènent en Angleterre des projets de recherche sur l’évaluation des performances des bâtiments au sein du Leeds Sustainability Institute (LSI). Son travail, basé sur des essais sur le terrain, a été décisif pour faire progresser la connaissance de la performance réelle des bâtiments, et ainsi encourager les changements de comportement et la manière dont les propriétaires et l’industrie peuvent prendre des décisions plus durables.
Selon vous, quelles sont les opportunités actuelles du secteur de la construction en matière de transition énergétique ?
Une opportunité passionnante actuellement, est de pouvoir aider les propriétaires à comprendre si leur bâtiment fonctionne comme prévu ou s’il présente un écart de performance, et s’il offre un environnement intérieur sain. Des capteurs, dont les prix sont de plus en plus abordables, collectent ces données réelles qui permettent de sensibiliser les occupants sur leur consommation d’énergie et donc de les engager davantage dans des projets de rénovation énergétique.
L'accès à des données réelles provenant des bâtiments ouvre la voie à des modèles financiers et énergétiques innovants.
Ces datas ouvrent aussi la voie à des modèles financiers innovants : si les fournisseurs de prêts hypothécaires pouvaient mesurer les améliorations apportées par l’efficacité énergétique des logements, ils pourraient développer des produits de financement écologiques spécifiques et d’autres mesures de soutien pour leurs clients. En tant qu’experts en évaluation des performances des bâtiments, nous avons la chance d’aider à valider et à développer bon nombre de nouvelles technologies qui permettent d’avancer en ce sens. Cependant, comme pour l’introduction et l’expansion rapide de toute technologie, il y a une période d’ajustement pour que le marché comprenne bien quels sont les enjeux.
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Quels sont les obstacles qui ralentissent la transition énergétique du secteur ?
L’une des actions les plus populaires dans la course vers le zéro net carbone est la décarbonation de l’électricité et l’électrification de la chaleur dans les bâtiments, c’est-à-dire le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur. Or, le problème fondamental pour y parvenir est la demande de chaleur en période de pointe, car cette demande un matin d’hiver pourrait être cinq à dix fois supérieure à ce que les réseaux électriques actuels peuvent fournir. Cela est particulièrement vrai dans les pays qui ont historiquement utilisé le gaz pour chauffer les bâtiments, où les infrastructures énergétiques et les politiques héritées sont des obstacles à cet objectif.
Ce problème de demande de chaleur en période de pointe pourrait être surmonté en augmentant l’approvisionnement en électricité (en construisant plus de centrales électriques et de sources renouvelables) ou en réduisant la demande de pointe : en installant des pompes à chaleur, en rénovant les bâtiments et en utilisant le décalage de charge et le stockage par batterie.
Cependant, ces solutions ne sont pas simples et nécessiteront probablement des décennies pour être réalisées et des investissements en infrastructures supérieurs à ceux actuellement prévus.
À cela s’ajoutent souvent des politiques de tarification qui peuvent rendre l’électricité trois fois plus chère que le gaz. Obtenir la parité des prix entre les combustibles est une étape pour rendre la transition plus acceptable et réalisable, mais la perspective d’augmenter les factures pour des millions de propriétaires utilisant actuellement le gaz est une proposition politiquement délicate. Ce changement nécessitera une approche systémique pour modifier les politiques et les marchés de manière synchronisée, car l’un ne peut avancer sans l’autre.
En termes de performance énergétique, quelle est l’initiative exemplaire que vous avez observée dans le secteur de la construction ces dernières années ?
Le projet de recherche « Démonstration du potentiel d’efficacité énergétique (DEEP) », lancé en 2019 et financé à hauteur de 3 millions de livres par le gouvernement britannique. Il s’agit d’une étude approfondie sur la manière dont les maisons à murs pleins peuvent être rénovées pour les rendre conformes aux normes modernes d’efficacité énergétique. Le projet est financé par le ministère de la sécurité énergétique et Net Zero, et a été mené à bien par des universitaires du Leeds Sustainability Institute, basé à l’université Leeds Beckett.
Le projet de recherche « Démonstration du potentiel d'efficacité énergétique (DEEP) »
L'objectif du projet DEEP est d'étudier la possibilité d'adopter une approche systémique pour la rénovation, c’est-à-dire en considérant l'ensemble du logement plutôt que la performance des mesures individuelles. Généralement définie comme une approche « maison entière », elle prend en compte les interactions complexes entre la structure, la ventilation et l'occupant.
Pour aller plus loin :
https://www.leedsbeckett.ac.uk/events/inaugural-lectures/professor-david-glew
DEEP Project Research | Leeds Sustainability Institute
Demonstration of Energy Efficiency Potential (DEEP) – GOV.UK
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