Les multiples visages de l’innovation dans la construction

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TOUR MOHAMMED VI À RABAT (Maroc). Avec une hauteur de 250 mètres, cette tour a été conçue pour être visible à une distance de 50 kilomètres. D’une superficie totale de 102 800 m2, comme posée sur un podium, elle évoque une fusée sur sa rampe de lancement. Outre sa stature impressionnante, la Tour Mohammed VI incarne le génie civil moderne et répond aux normes environnementales les plus strictes. Il a reçu le prix de la « Meilleure performance en termes de projets d’ingénierie » lors du concours « Caminos Madrid 2022 », grâce notamment à l’utilisation – au-delà des solutions de construction légère – d’une chape fluide en ciment assurant robustesse et durabilité sur plus de 48 000 m2. © Said Mrigua

Décarbonation
Décryptage
Durée de lecture : 6 min 6 min
09/04/2025

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L’innovation dans le secteur de la construction présente une très grande diversité de propositions destinées à transformer en profondeur la façon de construire et de rénover. Pour gagner en performance et en durabilité, les acteurs se mobilisent et collaborent afin que les idées innovantes puissent naître, grandir, rencontrer leur premier marché, et enfin passer à l’échelle pour toucher le plus grand nombre. Tour d’horizon des différentes facettes de cette transformation.
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Des start-ups les plus disruptives aux groupes les plus établis, l’ensemble des acteurs de la construction apporte ses forces dans une course à l’innovation destinée à relever les défis climatiques, environnementaux et démographiques. Des innovations à fort potentiel se développent aux différents stades d’avancée des projets (amont, construction, exploitation), qu’il s’agisse par exemple d’aider les professionnels à faire de meilleurs choix, de réinventer les matériaux, de fluidifier les procédés ou encore de développer de nouvelles pratiques de construction. Certaines de ces nouvelles solutions ne bouleversent pas les pratiques établies, d’autres si (1).


OPTIMISER L’EXISTANT


Des innovations qui optimisent la productivité à l’intérieur de chacun des maillons de la chaîne de valeur de la construction.

Si elles ne bousculent pas l’ordre établi, elles portent déjà un potentiel très important de pratiques plus vertueuses, avec l’avantage d’une pénétration des marchés plus facile car conforme aux modèles économiques existants. Elles ont un potentiel de développement rapide à court terme, chacune n’ayant qu’à démontrer son apport en productivité, en coûts et en impacts environnementaux.

Analyse des données en temps réel

  • Outils de simulation pour évaluer la performance énergétique d’une conception
  • Capteurs IoT (Internet des Objets) en phase d’exploitation pour optimiser la consommation énergétique, le mode d’occupation, le confort
  • Maintenance préventive et prédictive

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Matériaux plus durables et performants

  • Liants et adjuvants bas carbone développés notamment pour le béton
  • Matériaux allégés
  • Réemploi des matériaux
  • Matériaux à fort contenu recyclé
  • Matériaux peu émissifs qui capturent les composés organiques volatils, biosourcés, plus faciles à poser

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Optimisation des chantiers

  • Robotique/cobotique
  • Applications digitales
  • Kitting : calepinage et découpe à dimension
  • Gestion des déchets
  • Livraison just in time

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RÉCOLTER ET PARTAGER LES DATES TOUT AU LONG DU CYCLE DE VIE


Des innovations qui créent des interfaces entre les maillons de la chaîne de valeur.

Ces innovations, généralement digitales, facilitent le transfert d’informations entre les acteurs (de nature technique, contractuelle, financière) sans perturber la nature des relations existantes entre client, fournisseur et sous-traitant, cherchant simplement à faciliter les interfaces entre les acteurs. Elles supposent d’éviter de multiples saisies inutiles et laissent présager une maîtrise des informations tout au long du cycle de conception, construction et exploitation d’un ouvrage. Ces innovations, relativement simples à mettre en place techniquement, nécessitent pour autant une compréhension préalable par les différents acteurs des opportunités et des risques associés à une meilleure maîtrise des données. Elles nécessitent également une maîtrise du digital et un alignement sur les standards par différents acteurs de la chaîne de valeur afin de délivrer leur plein potentiel.

Maîtrise et partage des données

  • Dématérialisation et possibilité de mise en partage d’informations sur les produits et équipements d’un bâtiment existant notamment avant rénovation
  • Usage du BIM (Building Information Modeling) de la conception à l’usage du bâtiment. La conception numérique, préalable à la construction durable, permet de faire exister virtuellement un bâtiment avant qu’il existe vraiment.
  • « Building Operating System » pour piloter le fonctionnement de tous les lots techniques d’un bâtiment (ascenseur, chaud/froid, fluides…) ainsi que les usages (occupation, ouverture/fermeture des ouvrants, contrôle des stores…) afin de faire les meilleurs choix de maintenance prédictive et préventive
  • Solutions de dématérialisation d’appel d’offres pour comparer des grilles de prix de manière indiscutable
  • Adaptation des démarches Achats pour faire des choix informés intégrant la réduction carbone en plus des coûts des matériaux
La conception numérique permet de faire préexister virtuellement un bâtiment. Ici le Building Information Modeling (BIM) modélise les informations et les partage ensuite entre les différents acteurs du projet pour fluidifier leurs prises de décision. © black_mts/AdobeStock

TRANSFORMER PROFONDÉMENT LES PRATIQUES


Des innovations qui nécessitent un bouleversement des pratiques établies.

Portées par les acteurs établis, mais aussi les start-ups, animées d’une volonté de « changer le monde », certaines innovations de ruptures œuvrent à dépasser les limites historiques et à révolutionner le secteur de la construction. Elles impliquent souvent un changement des modèles de création de valeur et une refonte des pratiques de coopération entre les acteurs.

Adoption de nouvelles façons de « faire »

  • Construction légère
  • Évolutivité des bâtiments
  • Économie circulaire : prévention de la production de déchets de construction, réemploi des produits, recyclage ou valorisation des déchets
  • Impression 3D du béton
  • Matériaux biosourcés

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Conclusion

Pour réussir leur passage à l’échelle, ces innovations et celles qui naîtront demain dans le secteur de la construction, doivent embarquer l’ensemble de leur écosystème. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’une innovation, même la moins disruptive, implique de « faire » autrement et donc de s’adapter.

L’organisation du marché, l’environnement réglementaire, les pratiques des métiers, les modèles économiques doivent souvent évoluer pour « l’absorber ». Le rôle des acteurs établis de la construction peut alors s’avérer décisif pour engager favorablement l’ensemble des parties prenantes dans les processus de transformation nécessaires.

(1) Source : Académie des Technologies, « Innovation dans la Construction : l’apport des start-up pour transformer le secteur.

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