Parce qu’elles savent s’adapter à leurs spécificités géographiques et culturelles, Valence, Grenoble, Stockholm et Ljubljana alignent des exemples remarquables en matière d’urbanisation plus saine, plus propre et mieux adaptée aux enjeux de demain. Elles effectuent leur transition écologique au plus près de la vie des citoyens.
Remettre la nature dans la ville
Valence, déclarée Capitale verte européenne 2024, ambitionne de devenir climatiquement neutre d’ici à 2030. Pour y parvenir, la municipalité a pris des mesures drastiques en matière d’augmentation des solutions naturelles et de promotion de la biodiversité. Ainsi, parmi ses 837 000 habitants, 97 % vivent à moins de 300 mètres de zones urbaines à faible densité de bâti – jardins, parcs, plans d’eau…
Stockholm, Ljubljana et Grenoble, respectivement Capitales vertes en 2010 (premier prix décerné), 2016 et 2022, jouent la même partition, mettant en œuvre de nombreuses actions de végétalisation et de revitalisation d’anciennes friches. De cette démarche naissent alors des quartiers neufs, pensés en faveur de la santé et de la qualité de vie des habitants, à l’instar de l’écoquartier Flaubert, à Grenoble. Pierre-André Juven, adjoint au maire en charge de l’Urbanisme et de la Santé, explique : « Le parti pris de l’urbanisme sur Flaubert, que nous avons l’intention d’étendre à l’ensemble de la ville, est la nécessaire prise en compte de la question de la santé des habitants. » Dans cet ancien quartier industriel, la nature est aujourd’hui partout – la ville a planté plus de 70 arbres et créé un parc de 5 hectares –, jusqu’au cœur des ensembles de logements : sur les toits, avec 700 m2 dédiés à l’agriculture urbaine, et au sol, avec la création de 13 jardins partagés et de potagers. Ces zones constituent un véritable poumon qui contribue à limiter les effets du réchauffement climatique.
Réinventer la mobilité
68%
des déplacements intramuros à Valence réalisés en transports durables
Si ces villes sont si agréables à sillonner, c’est parce qu’elles ont réussi le pari de transformer totalement les usages de mobilité. Le maire de Ljubljana, Zoran Jankovic, a pris une décision radicale en 2007 : celle de se débarrasser des voitures au risque de mécontenter les habitants. Seize ans plus tard, les craintes sont dissipées : le centre-ville est toujours aussi animé, mais beaucoup plus silencieux. « La circulation intense n’est plus qu’un lointain souvenir, confirme Zoran Jankovic. Aujourd’hui, Ljubljana est belle et ordonnée. Ouvert uniquement aux piétons et aux cyclistes, le centre-ville est comme un grand salon, un espace culturel et social. »
Bien sûr, qui dit ville verte dit alternatives douces aux déplacements motorisés. Ces villes ont toutes un système de location de vélos électriques en libre-service, un large réseau de pistes cyclables sécurisées et un important maillage de parkings à vélos. À Stockholm, les trains et bus du centre-ville sont alimentés en électricité ou biocarburant, entraînant une réduction de 25 % des émissions de gaz à effet de serre depuis 1990.
Valence, troisième ville d’Espagne, est un havre de calme et de verdure où il fait bon flâner. David Moncholi i Badillo, directeur Mobilité et Transports pour la ville de Valence, est fier du chemin parcouru, n’hésitant pas à évoquer le concept de « ville du quart d’heure », qui propose un accès à pied ou à vélo à toutes les commodités à moins de 15 minutes de chez soi : « La ville des 15 minutes est un moyen pour les gens de se réapproprier l’espace urbain et de satisfaire leurs besoins en matière de mobilité, tout en favorisant les interactions sociales et économiques. Aujourd’hui, 68 % des déplacements intra-muros sont effectués par des modes durables, et plus de la moitié se font à pied. »
Construire et rénover… durable
Pour faire baisser leur impact environnemental et apporter un meilleur confort à leurs habitants, ces villes ont placé la rénovation énergétique des bâtiments au cœur de leurs programmes d’urbanisme. Valence a fait le pari de l’autosuffisance en créant trois « districts neutres en carbone ». L’idée : mettre à la disposition d’associations de citoyens, d’entreprises et d’institutions des aides à la création de « communautés énergétiques de quartier », pour rénover les logements et opérer une transition vers les énergies renouvelables.
À Stockholm, dans le cadre du projet européen « Grow Smarter », le quartier Valla Torg à basse consommation d’énergie a bénéficié d’une rénovation à grande échelle des bâtiments résidentiels appartenant au bailleur public Stockholmshem : isolation extérieure, contrôle des entrées d’air, pompes à chaleur sur air extrait, récupération de chaleur des eaux usées, ascenseurs faiblement énergivores, éclairage par détection de présence, panneaux photovoltaïques, etc. Les locataires ont même été conviés à installer un système de gestion de l’énergie domestique pour les aider à optimiser leur consommation. Dans l’ensemble, la mesure a permis de réduire de 76 % la consommation énergétique totale des bâtiments et d’économiser jusqu’à 78 % sur la facture de chauffage.
Dans les écoquartiers de Grenoble, de nombreux immeubles neufs sont construits en matériaux biosourcés, comme le bois ou la terre. Cette architecture bioclimatique confère aux bâtiments un caractère authentique, tout en privilégiant une ventilation naturelle des logements grâce à une double orientation. Un projet pensé pour favoriser la biodiversité et la fraîcheur.
Rendre les villes intelligentes
Pour accélérer leur transition écologique, les quatre Capitales vertes européennes ont bien sûr misé sur les nouvelles technologies. Élue « Ville la plus intelligente du monde » en 2020, Stockholm a su tirer profit de l’utilisation des données. À l’aide de capteurs installés sur la voie publique, la municipalité peut mesurer la fréquentation des routes et mettre en place des politiques de transports plus efficaces. « Auparavant, il fallait attendre un ou deux ans pour obtenir les données, explique Stanley Ekberg, responsable clientèle chez IBM Suède. Aujourd’hui, on en dispose en 15 minutes seulement. » Les habitants de l’écoquartier de Valla Torg bénéficient des innovations technologiques à travers un dispositif de collecte des déchets équipé de capteurs optiques et de tubes à haute pression enterrés, qui réduisent le va-et-vient des camions-bennes. La smart city, c’est aussi une ville connectée à ses citoyens. Chaque Grenoblois peut suivre en ligne sa consommation d’énergie, monitorée par un capteur multifluide d’énergies qui la compare à celles de foyers similaires. Ce dispositif établit alors un plan d’action personnalisé pour réduire la dépense énergétique et propose même un accompagnement par un conseiller. Comme ses consœurs, Valence a développé une application mobile sur laquelle les habitants communiquent directement avec la municipalité, reçoivent des notifications relatives aux travaux, aux événements… et effectuent à distance diverses formalités administratives.
Des différences fondées sur la géographie et la culture
Malgré un large socle commun de solutions, ces quatre villes exemplaires ont su adapter leurs politiques de transition écologique à leurs spécificités géographiques, de gouvernance, culturelle ou encore patrimoniale. Ainsi Valence, la Méditerranéenne, met l’accent sur la préservation des écosystèmes marins : la ville restaure les écosystèmes de dunes et les zones humides afin de renaturaliser le littoral nord. Nichée dans les Alpes, Grenoble fait face à de sérieux changements climatiques qui l’obligent à se réinventer : la municipalité, la métropole et l’université ont donc constitué le conseil scientifique indépendant Capitale verte & Transition, afin de mieux comprendre la transition climatique et ses impacts sur la santé. Stockholm, avec ses nombreuses îles et voies navigables, a beaucoup œuvré pour la protection des ressources en eau. Cette dernière y est si propre et pure que les habitants peuvent consommer les poissons pêchés en centre-ville ! Ljubljana, à l’avant-garde de la gestion des catastrophes naturelles, a travaillé main dans la main avec ses voisins des Balkans pour partager ses solutions, notamment lors des graves inondations de 2014 en Europe centrale.
Valence, Grenoble, Stockholm et Ljubljana nous montrent qu’il est possible que des villes de plus de 100 000 habitants sachent concilier croissance économique, qualité de vie et protection de l’environnement. Leurs efforts s’inscrivent avec brio dans les objectifs du Pacte vert de l’Union européenne qui, en plus de viser la fin des émissions de gaz à effet de serre, veut transformer l’Europe en une société juste et prospère, dotée d’une économie moderne et compétitive, efficace dans la gestion des ressources. Pour y parvenir, la Commission a d’ailleurs proposé en 2022 des règles plus strictes : réduction de la valeur limite annuelle des polluants atmosphériques, traitement plus efficient des eaux urbaines résiduaires, protection des eaux de surface et souterraines contre les nouveaux polluants… La balle est dans le camp des Capitales vertes, comme de toutes les villes européennes.
* Le prix de la Capitale verte européenne a été créé par la Commission européenne en 2006. Il est décerné chaque année depuis 2010 à une ville de plus de 100 000 habitants qui montre sa capacité à atteindre des objectifs environnementaux élevés, s’engage dans une démarche permanente et ambitieuse de développement durable et peut agir comme modèle pour inspirer d’autres villes. La Commission européenne s’appuie sur 12 indicateurs pour sélectionner les villes lauréates : la qualité de l’air, le bruit, l’eau, l’utilisation durable des terres et des sols, la gestion des déchets, la nature et la biodiversité, la croissance verte et l’éco-innovation, l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, la mobilité, la performance énergétique et la gouvernance environnementale.
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