« Un des plus grands défis est d'aligner les incitations financières à court terme avec les objectifs de résilience à long terme. »

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Benthemplein, situé dans la ville de Rotterdam (Pays-Bas), est la première « place d'eau » à grande échelle au monde. Ces espaces multifonctionnels servent de lieux de rassemblement publics en période sèche et de zones de rétention lors de fortes pluies, protégeant ainsi les habitations et les commerces des dégâts liés aux inondations. Conçue par les Urbanisten. Crédit photo : Iris van den Broek.

Urbanisation
Point de vue
Durée de lecture : 7 min 7 min
23/10/2024

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Pour faire face au changement climatique, la résilience doit être au cœur de la conception et de la gestion des espaces urbains. Pour approfondir ce sujet, nous avons interviewé Lauren Sorkin, Directrice exécutive du Resilient Cities Network, lors de la Climate Week à New York. Elle souligne que la résilience ne consiste pas seulement à réagir aux défis, mais aussi à être proactif dans la préparation des villes à un avenir incertain.
Lauren Sorkin, Co-fondatrice and Directrice exécutive du Resilient Cities Network

Lauren Sorkin est experte  en durabilité et en résilience urbaine. En tant que cofondatrice et directrice exécutive du Resilient Cities Network, elle dirige la principale organisation mondiale dédiée à la résilience urbaine, qui soutient plus de 100 villes dans 47 pays. Son travail met l’accent sur le renforcement des capacités des villes, des communautés et des individus à faire face au changement climatique, tout en promouvant l’équité et le bien-être.

Comment définiriez-vous la résilience lorsque celle-ci concerne les villes et les bâtiments ?

La résilience est la capacité des villes — ainsi que de leurs résidents, entreprises et institutions — à survivre, s’adapter et prospérer face aux chocs et aux tensions, qu’ils soient immédiats ou à long terme. Il s’agit d’anticiper les risques futurs, tels que le changement climatique, et de s’assurer que notre environnement construit soit prêt pour les défis des 10, 20 ou 50 prochaines années. Nous devons repenser et réutiliser nos infrastructures avec une perspective d’adaptabilité, afin que les villes puissent résister à ce que l’avenir leur réserve. La résilience consiste aussi à rebondir après des perturbations, en les utilisant comme des opportunités pour renforcer les systèmes urbains.

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Quels défis les acteurs de la construction rencontrent-ils dans la mise en place de la résilience ?

L’un des plus grands défis est d’aligner les incitations financières à court terme avec les objectifs de résilience à long terme. Souvent, nous nous concentrons sur les besoins immédiats, en négligeant les investissements nécessaires pour faire face aux défis futurs. Il est essentiel de concevoir des investissements et des mécanismes financiers qui soutiennent une construction durable, non seulement pendant la phase de construction, mais tout au long du cycle de vie de l’actif.

Nous devons disposer de financements prêts à soutenir les bons types de construction et à les accompagner, non seulement pendant la phase de construction, mais également pour maintenir et améliorer ces solutions.

Pour étendre la résilience à l’ensemble des industries, nous devons transformer les chaînes d’approvisionnement dans leur ensemble, en veillant à ce que les grandes entreprises comme les petites adoptent des pratiques durables. À mesure que le coût des matériaux durables diminue, des économies d’échelle apparaîtront naturellement.

L’intervention politique est également essentielle : les gouvernements nationaux doivent instaurer des incitations et des réglementations pour faciliter et accélérer la transition. Au niveau local, les villes et les États doivent aligner leurs stratégies d’approvisionnement et leurs investissements en infrastructures sur leurs objectifs climatiques, favorisant ainsi la transition vers une économie plus résiliente dans tous les secteurs.

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Quelles politiques sont les plus efficaces pour promouvoir la résilience et la durabilité ?

Les politiques les plus efficaces sont fondées sur la science et anticipent les défis futurs. Le Resilient Cities Network soutient des initiatives comme les Cours OASIS, lancées initialement à Paris (France), qui réaménagent les cours d’école pour qu’elles servent de zones de rafraîchissement et d’atténuation des inondations, illustrant ainsi le potentiel des solutions urbaines basées sur la nature.

Les cours d’école OASIS à Paris, où les élèves, les parents et les enseignants se réunissent avec R-Cities et les gouvernements locaux pour co-concevoir des havres de verdure pour les écoles. Crédit photo : Ville de Paris – Laurent Bourgogne

Cette approche est en cours d’extension à des communautés de Quezon City, aux Philippines, et a récemment été annoncée pour Semarang, en Indonésie, où nous co-concevons ces espaces afin de fournir à la fois des avantages environnementaux et une résilience communautaire.

Lorsque les gens constatent les avantages concrets de la résilience, ils y adhèrent pleinement, ce qui explique pourquoi les infrastructures vertes peuvent générer un large soutien populaire. Il est également essentiel d’investir dans les personnes qui géreront les actifs physiques et la coordination des ressources, afin de rendre l’ensemble des systèmes urbains résilients.

Projets d'adaptation réussis :
• À Cape Town (Afrique du Sud) des hubs de résilience sont en cours de développement pour fournir de l'énergie renouvelable aux communautés informelles, renforçant ainsi les systèmes énergétiques.
• La transformation des places d'eau à Surat, en Inde, s'inspire de celles de Rotterdam. Ces espaces multifonctionnels servent de lieux de rassemblement publics pendant les périodes sèches et de zones de rétention en cas de fortes pluies, protégeant ainsi les habitations et les entreprises des dommages causés par l'eau.

Rotterdam (Pays-Bas), en grande partie située sous le niveau de la mer, doit gérer efficacement les inondations. Il y a plus d'une décennie, la ville a commencé à explorer le concept de places d'eau pour promouvoir des solutions de stockage d'eau visibles, contrastant avec les coûteux réservoirs souterrains qui gèrent les eaux de pluie efficacement mais restent invisibles. En 2013 et 2014, Rotterdam a attiré l'attention internationale avec l'achèvement de la place d'eau de Benthemplein, qui a mis en lumière une réflexion novatrice en matière de résilience. Crédit photo : Iris van den Broek.

L'approche du Resilient Cities NetworkResilient Cities se concentre sur des domaines clés de la résilience climatique, en donnant la priorité à la promotion des énergies renouvelables décentralisées et à l'accélération de la transition énergétique, ainsi qu'à l'amélioration des systèmes de gestion des déchets et de l'eau. En collaboration avec les gouvernements locaux, Resilient Cities transforme des espaces communautaires — notamment des lieux publics et des écoles — en hubs conçus pour un avenir plus durable. Ces environnements modernisés visent à protéger les habitants contre les vagues de chaleur extrême et les inondations, tout en renforçant les liens au sein des communautés.

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Crédits photos: Iris van den Broek, ville de Paris – Laurent Bourgogne

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